Vous avez commencé à assister les victimes de dommages corporels en 1978. Comment se passait l’indemnisation alors?
A cette époque, tout était à faire dans ce domaine puisque l’on indemnisait que l’Incapacité Permanente Partielle (IPP) forfaitairement et la tierce personne de la même façon. Étaient pris en compte le Pretium Doloris, le préjudice esthétique et c’était à peu près tout.
Il y a 20 ans, avec d’autres avocats spécialisés, vous créez l’ANADAVI. Pourquoi une telle initiative?
Malgré les progrès réalisés depuis les années 80, notamment grâce à la loi du 5 juillet 1985 dite « Badinter » sur les accidents de la circulation, nous avons réalisé qu’il serait utile d’unir nos forces entre spécialistes de la réparation du préjudice corporel et mettre nos connaissances en commun dans l’intérêt de nos clients.
Il était également primordial d’alerter les pouvoirs publics sur les progrès encore à réaliser.
Nous avons ainsi pu participer à l’élaboration de la nouvelle nomenclature Dintilhac en 2005, qui aura permis notamment et surtout, la modification des règles d’indemnisation devant les juridictions administratives, qui étaient extrêmement désavantageuses pour les victimes et qui le sont toujours..
Aujourd’hui,quelles avancées avez-vous pu constater?
Grâce à la nomenclature Dintilhac,l’indemnisation des victimes a été considérablement améliorée. Beaucoup plus de postes de préjudice sont pris en compte et de manière plus complète comme le logement ou le véhicule adapté.
On obtient par ailleurs des indemnisations plus réalistes devant le juge administratif mais malheureusement encore trop loin des objectifs à atteindre!
Que doit-on encore améliorer selon vous?
L'indemnisation par le juge administratif repose encore beaucoup sur une logique de simple remboursement des dépenses engagées alors qu'il faut indemniser les besoins des victimes.
Les indemnités allouées sont par ailleurs trop éloignées de celles octroyées par les juridictions civiles et correctionnelles. Il y a une véritable injustice dans la mesure où ce sont les personnes les moins aisées qui se rendent à l’hôpital public et qui seront moins bien indemnisées en cas d’accident thérapeutique que celles ayant pu choisir d’être soignées dans le privé.
L’indemnisation des victimes est-elle menacée?
Ce qui menace principalement l’indemnisation des victimes est représenté par l’intelligence artificielle qui mènera inéluctablement à une indemnisation forfaitaire. Une fois tous les éléments de l’accident réunis, l’intelligence artificielle conclura à la fois sur la question de la responsabilité et des dommages et intérêts en intégrant l'âge,le sexe et les séquelles de la victime.
Pourra se développer à terme un barème indemnitaire pour tous les types de préjudice sans plus de place pour l'individu qui pourtant doit demeurer au cœur de notre système judiciaire.
La situation de chacun étant particulière, nous devons continuer de lutter contre une standardisation de la réparation.
Que souhaitez-vous dire aux victimes?
Le message est toujours le même : elles doivent s'adresser à un avocat spécialiste qui saura comment obtenir la meilleure indemnisation possible en choisissant notamment les procédures adéquates.
Elles doivent surtout éviter la solution de facilité qui consiste à transiger trop rapidement sans s’être renseignées préalablement sur la jurisprudence du Tribunal qui pourrait être saisi pour estimer leur dommage.